La « Associated Press » compte plus de 5000 correspondants à travers le monde et fournit ses services à des milliers d’organisations de presse. Lorsque l’agence effectue une modification dans son « Style Book » [1] cela a un impact considérable dans les médias du monde entier vu que toutes les agences de presse qui font appel aux services de l’AP et adoptent sa terminologie se voient obligé de suivre. Voilà donc pourquoi le nouvel emploi du mot « islamiste » constitue une primeur dans le combat pour une terminologie médiatique plus équitable envers les musulmans.
C’est en 2012 que le terme « islamiste » fut introduit pour la première fois dans le « Style Book » de l’AP où l’agence le décrivait initialement comme:
«… un partisan d’un gouvernement qui vit selon les lois de l’Islam. Ceux qui prennent le Coran comme modèle politique constituent une grande variété de musulmans, allant de politiciens dans la ligne du courant dominant aux militants connus comme étant des djihadistes »
Après une pression considérable exercée par le Conseil des Relations Américaines-Musulmanes [2] pour obtenir la suppression du terme, les dirigeants de l’AP finissent par céder partiellement et changent son acception. Le 3 avril 2013, leur définition de l’islamiste est désormais la suivante:
« …un apologiste ou partisan d’un mouvement politique qui favorise la restructuration du gouvernement et de la société selon les lois prescrites par l’Islam. À ne pas employer comme synonyme de combattants islamiques, militants, extrémistes ou radicaux qui peuvent, oui ou non, être des islamistes. » [3]
Vous direz qu’il s’agit d’un pas en avant, mais une connotation islamophobe bien cachée reste présente dans le terme. Pourquoi les médias occidentaux se sentent-ils dans l’obligation de qualifier d’islamiste tout musulman qui souhaite vivre selon les lois de sa religion? Qui leur a donné cette légitimité de dénommer les musulmans de la sorte ? D’où surgit donc cette audace de condamner catégoriquement le désir des musulmans de vivre en toute indépendance, loin de l’hégémonie occidentale ? Ceux qui, dans le monde musulman, aspirent à une liberté totale, loin des menaces économiques du grand Yankee américain, méritent-ils réellement d’être dépréciés par ce terme chargé d’une connotation tellement négative? L’époque coloniale est, certes, révolue, mais la langue du colonisateur se fait toujours entendre…
Extrait de “Le Crime « Islamologiste » - L’impact de la
Terminologie Islamophobe sur la Société Française”, à télécharger ici
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[1] Le « Style Book » est le guide qui sert de protocole terminologique pour l’AP et indique quels termes peuvent être utilisés ou non, et comment.
[2] Le « Council on American-Islamic Relations » (CAIR) est l’organisation qui défend les droits des musulmans aux États-Unis.
[3] “The Associated Press Revises Another Politically Charged Term” (Usa News 04/04/2013)