« Frappez(-les) au-dessus des cous » est le second verset mentionné par Onfray pour indiquer le « caractère barbare » du Coran et apparait dans deux sourates. Tout d’abord, dans le douzième verset de la sourate ‘Le Butin’ :
« Et ton Seigneur révéla aux Anges : “Je suis avec vous : affermissez donc les croyants. Je vais jeter l’effroi dans les cœurs des mécréants. Frappez donc au-dessus des cous [1] et frappez-les sur tous les bouts des doigts. » [8/12]
En citant ce verset, Michel Onfray pense avoir obtenu une victoire éclatante dans son offensive brutale qui vise l’Islam. Il semble persuadé d’avoir trouvé un verset qui incite les musulmans à tuer les non-musulmans dans l’absolu, quand et comme ils veulent. Or, en reprenant la sourate de son début, on s’aperçoit très vite que le verset ne dit ni ne sous-entend ce que prétend Onfray. Plutôt, on comprend nettement qu’il s’agit d’une injonction prononcée dans une situation de guerre où les deux camps, musulmans et polythéistes, se trouvaient face à face avec leurs épées.
En effet, la sourate ‘Le Butin’ fut révélée durant l’événement historique de Badr [2] où les musulmans obtinrent leur premier butin de guerre après un combat féroce contre les polythéistes arabes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la sourate s’intitule ‘Le Butin’.
Après la bataille de Badr, une discussion eut lieu entre les compagnons quant au partage du butin. C’est ici que fut révélé le premier verset de la sourate : « Ils t’interrogent au sujet du butin. Dis : “Le butin est à Allah et à Son messager.” Craignez Allah, maintenez la concorde entre vous et obéissez à Allah et à Son messager, si vous êtes croyants. » [8/1]
Il suffit de connaitre un peu d’Histoire islamique pour comprendre que cette sourate traite de la célèbre bataille de Badr. Avec seulement 300 hommes et 70 chameaux, les musulmans furent confrontés à l’armée polythéiste de Qoreych qui comptait plus de 1000 combattants avec 200 chevaux. Malgré leur petit nombre, Allah leur promit la victoire en les assistant durant le combat par des anges :
« (Et rappelez-vous) le moment où vous imploriez le secours de votre Seigneur et qu’Il vous exauça aussitôt : “Je vais vous aider d’un millier d’Anges déferlant les uns à la suite des autres. » [8/9]
Il n’y aucune ambiguïté. En lisant la sourate depuis son début, le lecteur comprend d’emblée qu’il s’agit d’une guerre, même s’il n’a pas étudié l’histoire de la bataille de Badr. C’est donc dans ce contexte-là que fut révélé le verset mentionné par Onfray (verset 12) et dans lequel les soldats musulmans sont ordonnés de « frapper l’ennemi au-dessus des cous et sur tous les bouts des doigts ». Onfray aurait dû savoir ces choses-là, car elles sont toutes mentionnées expressément dans les « Hadites » et la biographie du Prophète (‘aleyhi assalam).
La sourate ‘Le Butin’ traite de la célèbre bataille de Badr où 300 musulmans obtinrent une victoire historique contre l’armée polythéiste de Qoreych qui comptait plus de 1000 combattants.
La compréhension littérale du verset procure une leçon évidente; dans une guerre où l’on se trouve en minorité devant une armée beaucoup plus puissante, les combattants doivent frapper, de manière décisive, à l’endroit le plus sensible : le cou [3].
Lorsqu’on est confronté à l’ennemi dans un combat d’épée, il est normal qu’on ne vise pas les jambes ou les pieds de son adversaire. Non, on vise le cou pour pouvoir neutraliser l’ennemi le plus vite possible. Aujourd’hui, c’est pareil. Lorsque les soldats occidentaux se trouvent confrontés aux groupes qui s’opposent à leur occupation militaire, ils visent la tête ou le cœur de l’ennemi pour pouvoir garantir que ce dernier ne ripostera plus. D’ailleurs, les combats menés par les Occidentaux sont bien plus barbares que l’ont été ceux des musulmans tout au long de l’histoire. Des guerres où sont déployés bombes atomiques, armes nucléaires, drones [4] ou phosphore blanc sont bien plus inhumaines et cruelles que des combats de sabre d’homme à homme.
Le refus d’Onfray de préciser qu’il s’agit d’un commandement donné dans une bataille sanglante ne fait que mettre à l’évidence sa malhonnêteté et son manque de rigueur analytique. Sans éprouver la moindre gêne, il lance ce verset aux pieds de ses interlocuteurs pour prétendre aux heures de grand audimat qu'il est ordonné aux musulmans dans le Coran de frapper les non-musulmans sur le cou à tout moment. Il omet non seulement tout ce qui précède le verset, mais aussi ce qui le suit et qui, une fois de plus, indique qu’il s’agit d’un récit où des combattants sont engagés dans une guerre :
« Ô vous qui croyez quand vous rencontrez (l’armée) des mécréants en marche, ne leur tournez point le dos. Quiconque, ce jour-là, leur tourne le dos, — à moins que ce soit par tactique de combat, ou pour rallier un autre groupe, — celui-là encourt la colère d’Allah. » [8/15-16]
Ces deux versets sont suivis par un troisième verset que Michel Onfray cite indépendamment pour dénoncer le prétendu caractère belliqueux du Coran : « Ce n’est pas vous qui les avez tués : mais c’est Allah qui les a tués. » [8/17] Il s’agit d’une autre tentative désespérée qui indique la frénésie de notre hédoniste intégriste.
Lorsque l’armée des polythéistes fut mise en déroute le jour de la bataille de Badr et que les musulmans purent les tuer malgré leur petit nombre, Allah leur rappelle que ce ne sont pas eux qui les ont tués par leur propre force, mais que « c’est Allah qui les a tués », dans le sens où Il les a soutenus comme mentionné précédemment.
Les guerres des Occidentaux dans lesquelles sont déployés bombes atomiques, armes nucléaires, drones et phosphore blanc sont bien plus cruelles que les combats de sabre d’homme à homme.
Onfray aborde donc deux versets qu’il fait passer pour deux passages séparés et indépendants alors qu’ils sont mentionnés dans la même sourate (avec seulement cinq versets d’intervalle) et traitent tous les deux de la même guerre. Ne nous vous avions pas dit qu’il était fort, Michel!
Ceci dit, on ne peut concevoir le verset « Frappez donc au-dessus des cous » dans un contexte autre que celui du combat armé. Il ne s’agit pas d’une interprétation du verset, mais de la compréhension qu’obtiendra tout lecteur intègre qui lit le verset dans son contexte, l’inverse exact donc de ce que défendait Onfray dans sa thèse insidieuse.
En effet, c’est précisément en s’adonnant à une interprétation non-littéraliste où l’on extrait le verset de la compréhension apparente, qu’un massacre d’innocents pourrait être justifié. Or, cette compréhension déréglée n’existe pas, ni chez les terroristes parmi les sectes égarées [5], ni chez les savants de l’Islam. Il y a d’ailleurs un consensus entre les ulémas pour dire que ce verset traite de la bataille de Badr, dans un contexte bien précis qui est celui de la guerre.
Le deuxième endroit où l’on retrouve une injonction de frapper les cous est dans sourate ‘Mohammed’ :
« Lorsque vous rencontrez (au combat) ceux qui ont mécru frappez-en les cous. Puis, quand vous les avez dominés, enchaînez-les solidement. Ensuite, c’est soit la libération gratuite, soit la rançon, jusqu’à ce que la guerre dépose ses fardeaux. » [47/4]
On comprend, à nouveau, en lisant le verset jusqu’à sa fin que l’ordre de frapper les cous des non-musulmans a lieu dans un contexte de guerre et que cet ordre vaut jusqu’à ce que « la guerre dépose ses fardeaux », c.-à-d. jusqu’à ce qu’elle se termine. Ce verset implique ipso facto que, une fois les combats finis, il n’est plus permis pour les musulmans de tuer les non-musulmans.
Les musulmans possédaient déjà un Code de guerre officiel treize siècles avant la 3e Convention de Genève (1949) qui définit les droits des prisonniers
La suite du verset a non seulement été escamotée par Onfray pour dissimuler le fait qu’il s’agisse d’une situation de guerre, mais aussi pour travestir l’aspect miséricordieux de l’Islam en temps de guerre. En effet, une fois que les musulmans ont dominé leurs ennemis au combat et qu’il leur est possible de les capturer, il leur ait ordonné de les attacher afin qu’ils ne puissent s’échapper. Une fois l’ennemi dominé, sous captivité et « enchainé solidement », le verset explique que les musulmans ont le choix : « c’est soit la libération gratuite, soit la rançon ». Ou bien les musulmans leur accordent une faveur en les libérant sans exiger de rançon. Ou bien, ils les libèrent moyennant une rançon ou un échange de prisonniers. Il s’agit d’un code de guerre islamique [6] révélé treize siècles avant la 3e Convention de Genève (1949) qui définit les droits des prisonniers de guerre.
C’est avec un zèle ardent que Michel Onfray s’oppose au fait que les musulmans ont un livre sacré qui leur permet de se défendre contre les agresseurs non-musulmans. Il préférait voir les musulmans non-laïcisés se faire massacrer sans offrir la moindre résistance aux invasions occidentales. Voilà pourquoi Onfray s’enflamme en lisant ce type de versets. Sans résistance armée, les armées séculaires de l’Occident peuvent facilement envahir des pays musulmans, maintenir leur occupation militaire, massacrer la population indigène et exploiter les richesses naturelles. C’est d’ailleurs ainsi que la sainte laïcité, tant promue par Onfray, s’est instaurée de fil en aiguille en terre musulmane au long des derniers siècles…
Extrait de “L’Islam, Le Coran et Michel Onfray”, à télécharger ici
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[1] Les oulémas divergent quant à savoir à qui s'adresse ce verset. Certains affirment que l’ordre du Créateur de « frapper au-dessus des cous » est intimé aux anges qui ont participé dans la bataille de Badr du fait que le verset commence par « Et ton Seigneur révéla aux Anges :… ». En suivant cet avis, le blâme de Michel Onfray n’a pas lieu d’être, car il s’agit d’un ordre intimé aux anges. Or, d’autres savants expliquent que le verset fut adressé aux musulmans, également lors de la bataille de Badr.
[2] La bataille de Badr a eu lieu le 17 Ramadân de l’an 2 de l’hégire.
[3] Rappelons qu’il s’agit d’une période où les combattants, furent encore des hommes qui se battaient avec des sabres, des épées, des lances, etc., bien loin de la lâcheté des soldats américaines ou sionistes qui se contentent d’appuyer sur un bouton pour exterminer l’ennemi.
[4] Pour plus sur la cruauté des drones, lisez ici
[5] Les Khawârij respectent le statut des non-musulmans (Dhimmis, etc.) plus que celui des musulmans comme le démontre l’histoire connue où, par « piété », ils s’excusèrent auprès d’un Dhimmi pour avoir tué son cochon, alors que peu après ils tuèrent, par « adoration », une famille musulmane dont la mère fut enceinte. En théorie, les Khawârij ne se cachent donc pas derrière ce type de versets pour commettre leurs crimes. Souvent, ils font recourt à d’autres textes en leur donnant des interprétations fantaisistes et en établissant une analogie erronée pour justifier le massacre d’innocents (comme sera expliqué plus loin).
[6] L’éthique de guerre islamique interdit également de couper les arbres, d’empoisonner les sources d’eau, de détruire les récoltes, de ravager les terres, de mutiler les hommes, etc.