Michel Onfray est un homme qui se permet les audaces les plus inouïes. Dans sa tentative de diaboliser le Coran, il mentionne un troisième verset qui se trouve dans le même passage de la sourate ‘Le Butin’. Pour une fois, Onfray cite la référence du verset (sourate 8, verset 7), et donne cette traduction: « Exterminez les incrédules jusqu’au dernier ».
Ici, Michel Onfray commet un double crime. Non seulement il sort le verset de son contexte apparent, mais il se livre également à une manipulation flagrante du verset en le transformant. Le septième verset de la sourate en question ne dit pas « exterminez les incrédules jusqu’au dernier », mais « (Rappelez-vous), quand Allah vous promettait qu’une des deux bandes sera à vous. Vous désiriez vous emparer de celle qui était sans armes, alors qu’Allah voulait par Ses paroles faire triompher la vérité et anéantir les mécréants jusqu’au dernier. » [8/7]
À nouveau, il suffit de placer le verset dans son contexte pour comprendre son sens apparent et démasquer l’imposture d’Onfray qui, avec une traduction erronée du verset, s’acharne à démontrer ce qui n’est nullement mentionné dans le Coran.
Nous sommes toujours dans la même sourate (‘Le Butin’) qui traite de la bataille de Badr. Avant l’affrontement des deux armées, Allah promit au Prophète (‘aleyhi assalam) qu’une des deux bandes polythéistes sera conquise par les musulmans : « (Rappelez-vous), quand Allah vous promettait qu’une des deux bandes sera à vous ».
La première bande de polythéistes fut celle de la caravane (al-‘Îr) dirigée par Abu Sufyân [1] qui, accompagné de 40 hommes, revenait du Cham avec une quantité non négligeable de marchandises [2]. Bien que le groupe d’Abu Sufyân fit partie des polythéistes en guerre avec les musulmans, il ne s’était pas apprêté à affronter l’ennemi à son retour. La deuxième bande à laquelle fait allusion le verset fut le groupe dirigé par Abu Jahl [3] (al-Nafîr) qui comprenait plus de mille combattants armés jusqu’aux dents et prêts à exterminer les musulmans.
Bien qu’Allah eut promis aux musulmans qu’ils allaient s’emparer d’un de ces deux groupes, personne ne savait de quel groupe il s’agissait. Le verset indique que les compagnons pensaient et espéraient que le groupe duquel ils allaient s’emparer était celui d’Abu Sufyân : « Vous désiriez vous emparer de celle qui était sans armes ».
Ce désir des musulmans les poussa à se diriger vers la caravane d’Abu Sufyân. Or, ce dernier fut informé de leur départ par ses espions et comprit maintenant que sa caravane était en danger. Arrivé aux frontières du Hejaz, Abu Sufyân sollicita l’aide des Qoreychites qui envoyèrent aussitôt l’armée aguerrie d’Abu Jahl.
Lorsque le Prophète (‘aleyhi assalam) et ses hommes arrivèrent dans la vallée de Dhafrân, ils apprirent que l’armée d’Abu Jahl était partie à la rescousse de la caravane d’Abu Sufyân. Ici, le Messager devait prendre une décision extrêmement difficile. Les musulmans n’étaient que 300 et une partie d’entre eux n’avait ni armes ni monture du fait qu’ils s’attendaient à s’emparer de la caravane non armée.
Les néo-colons rejettent les versets coraniques qui autorisent aux musulmans de se défendre afin de maintenir l’occupation militaire et l’exploitation les richesses naturelles en terre d’Islam.
Le Prophète (‘aleyhi assalam) consulta d’abord les grands compagnons parmi les Muhajirîn ; Abu Bakr, Omar, puis al-Miqdâd Ibn ‘Amr. Ensuite il se dirigea vers les Ansâr pour les consulter. Tous acceptèrent de combattre le groupe armé d’Abu Jahl et c’est ici que le Messager leur dit : « Allons-y avec la bénédiction d’Allah et réjouissez-vous, car Allah m’a promis un des deux groupes. » Confrontés aux soldats d’Abu Jahl, les musulmans s’engagèrent dans une bataille sanglante qu’ils emportèrent héroïquement.
Ainsi, la bande à laquelle fit allusion la promesse divine dans le verset était le groupe armé d’Abu Jahl et non pas le groupe de la caravane qu’espéraient conquérir les compagnons, comme l’indique la suite du verset :
« Vous désiriez vous emparer de celle qui était sans armes alors qu’Allah voulait par Ses paroles faire triompher la vérité et anéantir les mécréants jusqu’au dernier. »
La compréhension globale du contexte historique découvre la canaillerie de Michel Onfray. Le verset qu’il présenta comme un ordre de tuer les polythéistes dans l’absolu n’est pas une injonction, mais une réponse du Créateur aux musulmans qui espéraient s’emparer d’un groupe de polythéistes non armés. Dans le verset, Allah leur répond et leur informe qu’Il voulait en finir avec les polythéistes arabes une fois pour toutes dans une bataille bien précise. Ayant révisé l’histoire de Badr, le lecteur comprend que « les mécréants » mentionnés dans le verset sont les polythéistes arabes qui étaient en guerre avec le Prophète (‘aleyhi assalam) pour anéantir l’Islam. Ils ont été anéantis par les musulmans dans un combat victorieux qui permit à l’Islam de se propager.
Ce sont des choses que Michel Onfray aurait du savoir, car elles sont toutes mentionnées dans le Coran, les Hadiths et la biographie du Prophète (‘aleyhi assalam). Notez donc l’imposture intellectuelle du philosophe qui va délibérément falsifier la traduction d’un verset, le sortir de son contexte apparent pour ensuite le faire passer comme un ordre divin de massacrer les non-musulmans dans l’absolu. « La Vérité (l’Islam) est venue et l’Erreur a disparu. Car l’Erreur est destinée à disparaître » [17/81]
C’est ici, sur le champ de bataille de Badr que l’armée du Prophète fut confrontée à celle d’Abu Jahl. Ce fut une des batailles les plus importantes de l’histoire islamique.
Si vraiment le Prophète (‘aleyhi assalam) fut ordonné d’exterminer les mécréants à tout moment et à tout instant, comment se fait-il qu’il souhaitât leur bien et invoqua son Seigneur en disant : « Ô Allah, guide mon peuple, car ils ne savent pas ». Plutôt que de vouloir tuer les mécréants arabes jusqu’au dernier et de voir son peuple se faire décimer, il souhaitait plutôt que son Seigneur « suscite de leurs reins une descendance qui adore Allah Seul sans rien Lui associer. » [4] Si son but unique fut de massacrer les polythéistes là où ils se trouvaient, pourquoi n’a-t-il cessé de faire des invocations en leur faveur en implorant qu'ils soient guidés ?
Voyez-vous, même envers ses plus grands ennemis, le Prophète (‘aleyhi assalam) fit preuve d’indulgence inouïe. Un jour, lors d’une expédition militaire, il se prépara pour se reposer. Il accrocha son épée à une branche d’arbre sous lequel il s’endormit un peu plus tard. Ses compagnons se dispersèrent pour piquer une sieste sous d’autres arbres. Un paysan polythéiste profita de la situation pour se rapprocher du Prophète (‘aleyhi assalam) et saisit son épée. Le Messager se réveilla et vit l’homme au-dessus de lui, l’épée brandie, qui lui dit : « Qui m’empêchera maintenant de te tuer ? » Le Prophète lui répondit calmement : « Allah ». Aussitôt l’épée lui tomba de la main. Le Prophète reprit son arme et lui dit : « Qui m’empêchera maintenant de te tuer ? » Le paysan répondit : « Pardonne de la meilleure façon. » Le Prophète lui dit : « Es-tu prêt à témoigner qu’il n’y a de divinité digne d’adoration à part Allah ? » Il répondit : « Non, mais je m’engage à ne plus jamais te combattre et de ne plus soutenir un peuple qui te combat. » Le Prophète (‘aleyhi assalam) le laissa alors partir [5].
Voici donc « la cruauté » de l’homme que Michel Onfray s’obstine à présenter comme un meurtrier sanguinaire dont le seul but fut d’exterminer les polythéistes jusqu’au dernier.
La tradition prophétique contient des milliers d’exemples similaires qui affirment la clémence du Messager envers ses ennemis. En l’an 8 de l’hégire [6], les musulmans s’emparèrent de La Mecque, la ville où les Arabes de Qoreych les avaient combattus, opprimés, torturés et trahis durant plus d’une décennie. Ce fut l’opportunité idéale pour le Prophète de se venger de ses pires ennemis. Mais ce jour-là, son comportement allait surprendre ses amis les plus proches ainsi que ses adversaires les plus acharnés.
Après de longues années de persécution, le Prophète (‘aleyhi assalam) regagna sa ville natale en toute humilité, la tête baissée. Sans un brin d’arrogance et sans brandir de sabre, il refusa de se venger du peuple qui, à de nombreuses reprises, avait tenté de l’assassiner. Ce jour-là, les Qoreychites de la Mecque s’étaient rendus et le Messager aurait facilement pu les tuer, expulser, torturer ou emprisonner. Mais non, il leur accorda une amnistie générale en disant : « Vous êtes les amnistiés.» Il aurait pu blâmer et critiquer les Qoreychites pour les nombreuses injustices qu’ils lui ont fait subir. Or, il proclama que ce jour-là fut un jour de pardon et s’adressa aux Arabes de Qoreych avec les paroles du prophète Yousouf (Jozef) à ses frères : « Pas de récrimination contre vous aujourd’hui! Qu’Allah vous pardonne. C’est Lui Le plus Miséricordieux des miséricordieux. » [12/92]. [7]
Lorsqu’en l’an 8 de l’hégire, les musulmans s’emparèrent de La Mecque, le Prophète se montra indulgent envers ses ennemis qui l’avaient combattu et trahi durant plus d’une décennie.
Dans une autre tentative misérable de dépeindre le Prophète (‘aleyhi assalam) comme un personnage belliciste qui ne pense qu’au combat, Onfray cite le verset « Ô prophète encourage les croyants au combat ». Ce commandement divin est — vous l’avez deviné — encore tiré de la sourate ‘Le Butin’ [8/65]. Le Messager fut ordonné d’encourager les musulmans au combat comme les soldats occidentaux sont aujourd’hui encouragés au combat par leur commandant avant une guerre. Les manuels militaires en Occident contiennent d’ailleurs ce même type de langage pour amener les soldats à combattre efficacement.
Les officiers occidentaux diront bien sûr que ce type d’encouragement au combat mentionné dans leurs manuels n’est pas destiné à tout le monde, mais qu’ils s’adressent uniquement à des personnes spécifiques (les combattants) dans un contexte bien précis (celui du combat armé). De la même manière, les versets du Coran liés à la guerre s’adressent à certaines personnes dans certaines situations bien particulières.
Michel Onfray, ne s’est-il jamais posé la question suivante : si vraiment le Coran appelait à tuer tous les non-musulmans « jusqu’au dernier », tout en sachant qu’il y a plus de 1,5 milliard de musulmans sur terre, n’y aurait-il pas des millions de meurtres quotidiens un peu partout au monde ?
Extrait de “L’Islam, Le Coran et Michel Onfray”, à télécharger ici
____________________________
[1] Abu Sufyân Saghr Ibn Harb al-Qorachiy (63 a.h. - 30 de l’hégire) fut à la tête des tribus de Qoreych et Kinâna. Il fut considéré comme un des Arabes les plus nobles à l’époque préislamique. Il embrassa l’Islam le jour de la conquête de la Mecque et livra plusieurs combats aux côtés du Prophète .
[2] Abu Sufyân qui fut encore polythéiste à cette période, commerça avec l’argent qu’il avait volé aux musulmans. Ces derniers se voyaient donc en droit de récupérer leurs biens.
[3] Abu Jahl ‘Amr Ibn Hichâm Ibn al-Moughîra al-Qorachiy fut un des descendants de Bani Qoreych et appartenait à la tribu de Kinâna. Il fut un des plus grands ennemis du Prophète qui ourdissait des complots pour l’assassiner.
[4] Sahîh Muslim (4653)
[5] Musnad al-Imâm Ahmed (14929) et avec une autre terminologie dans Sahîh al-Bukhâri (4139)
[6] Il y a divergence sur la date exacte de ‘Fath Makka’.
[7] Al-Bayhaqi, « al-Sunan al-Kubra » (18739).