En France, les médias et politiques sont unanimes; il n’y a pour la République de crime plus odieux que celui de l’antisémitisme. Rien de mieux donc, pour les islamophobes, que de faire passer le Prophète (‘aleyhi assalam) pour un nazi avant-gardiste aux croyances antisémites. Onfray recourt à une ruse sioniste et prétend que le Prophète (‘aleyhi assalam) s’est livré à des crimes terribles en ayant égorgé mille juifs:
« Si on prend la biographie du Prophète, il y a des crimes terribles, il y a même un moment donné, à la Bataille du Fossé, mille juifs qui sont égorgés, ligotés et décapités. »
Dans cette nouvelle allégation, Onfray mentionne une partie de l’histoire de la Bataille du Fossé (Rhazwat al-Ghandaq) et en occulte une autre pour pouvoir crier au scandale et prétendre que des « crimes terribles » ont été commis envers les juifs [1]. Or, une contextualisation de la Bataille du Fossé démontrera qu’il s’agit d’une énième imposture du philosophe tartuffe.
Revenons d’abord à la période qui précéda la Bataille du Fossé. À Médine, les juifs vivaient en tant que Dhimmis sous souveraineté musulmane. Le Prophète (‘aleyhi assalam) avait scellé un pacte écrit avec l’ensemble des juifs médinois. Cet accord permit aux juifs de pratiquer librement leur religion et stipulait que leurs biens et personnes doivent être préservés. Tous les juifs qui s’abstenaient des combats sans nuire aux musulmans seraient protégés et secourus par l’autorité islamique.
L’Islam accorde une grande importance au respect de pactes conclus avec l’ennemi [2]. Le Prophète (‘aleyhi assalam) a dit:
« Celui qui se rebelle contre ma communauté en frappant le pieu et le pervers, sans épargner le croyant et sans honorer l’engagement pris envers les autres, n’est pas de moi et je ne suis pas de lui.» [3]
L’Islam interdit explicitement la traitrise en temps de guerre et ordonne le respect des accords et des pactes conclus avec l’ennemi.
Bien que la Jiziya ne fut à cette époque pas encore instaurée [4], les musulmans assuraient la protection des trois tribus juives qui résidaient à Médine; Bani Qaynouq’â, Bani al-Nadîr et Bani Qoraytha. En contrepartie, les juifs s’engagèrent à ne pas aider ou assister les polythéistes dans leur lutte contre les musulmans. Ils furent interdits de leur prêter refuge, d’héberger leurs espions ou encore de dissimuler leurs complots. Toute traitrise envers les musulmans devait être rapportée à l’autorité en place.
Or, l’accord ne fut pas respecté. Les premiers à rompre le pacte fut la tribu de Bani Qaynouq’â (qui comptait 700 combattants). Ils furent encerclés par le Prophète (‘aleyhi assalam) durant une période de 15 jours après laquelle ils se rendirent. Suite à une intercession d’Abdullah Ibn Oubay [5] qui supplia le Prophète (‘aleyhi assalam) de les libérer, ce dernier leur fit une faveur en les laissant partir sans leur infliger de sanction. Les juifs de la tribu de Bani Qaynouq’â quittèrent Médine pour s’installer au Cham.
La seconde tribu juive à rompre le pacte fut celle de Bani al-Nadîr dont les membres complotèrent pour assassiner le Prophète (‘aleyhi assalam). Après la bataille d’Uhud, le Messager fut mis au courant de leur complot et leur ordonna de quitter Médine. Ils refusèrent d’abord, mais se rendirent enfin après que les musulmans les aient assiégés. À nouveau, le Prophète (‘aleyhi assalam) leur épargna la vie et expulsa la tribu de Bani al-Nadîr à Khaybar. Ce fut en l’an 4 de l’hégire.
Les derniers à rompre le pacte furent les juifs de Bani Qoraytha en l’an 7 de l’hégire. Ce fut la tribu qui ressentait le plus d’animosité envers le Prophète (‘aleyhi assalam) et dont la trahison fut la plus manifeste.
Lors de la Bataille du Fossé, dix mille hommes de Qoreych avaient assiégé la ville de Médine. Malgré ce siège ils n’arrivèrent pas à pénétrer la ville et après 23 jours, Allah secouru les musulmans. Lors de cette bataille, la tribu de Bani Qoraytha s’est alliée avec les polythéistes de Qoreych pour combattre les musulmans.
À Médine, le Prophète avait scellé un pacte écrit avec les tribus juives qui vivaient en tant que Dhimmis sous souveraineté musulmane.
La trahison de Bani Qoraytha fut la plus infâme et c’est pourquoi leur sort fut différent de celui de leurs confrères de Bani Qaynouq'â et Bani al-Nadîr. Le Prophète (‘aleyhi assalam) partit à Qoraytha et encercla les lieux. Au 25e jour du siège, les juifs promirent de se rendre à condition que S’ad Ibn Muâdh [6] soit la personne qui juge entre les deux parties. Le Prophète (‘aleyhi assalam) accorda cette faveur aux juifs de Bani Qoreytha, accepta leurs conditions et fit venir S’ad Ibn Muâdh.
Arrivé sur place, S’ad demanda aux deux camps s’ils étaient prêts à accepter sa sentence, quelle qu’elle soit. Les deux parties approuvèrent solennellement et se dirent prêts à consentir à son jugement. Après s’être penché sur la trahison de Bani Qoraytha, S’ad Ibn Muadh prononça la peine de mort sur l’ensemble des combattants de la tribu de Bani Qoraytha. Les deux parties agréèrent le jugement de S’ad et 400 hommes [7] furent exécutés pour haute trahison. Quant aux hommes non-combattants, femmes et enfants, on leur épargna la vie.
Rappelons comment Michel Onfray a résumé cet événement en une seule phrase: « Si on prend la biographie du Prophète, il y a des crimes terribles, il y a même un moment donné, à la Bataille du Fossé, mille juifs qui sont égorgés, ligotés et décapités. »
Il ne s’agissait pas de mille, mais de 400 combattants qui avaient trahi leur pacte avec l’autorité en place. Une trahison qui, en Islam, est passible de la peine de mort. Deuxièmement, personne n’a été égorgé. Or, on sait entretemps que Michel Onfray aime verser une sauce bien sanglante sur ses histoires.
Troisièmement, Onfray ne mentionne pas que le Prophète (‘aleyhi assalam) s’est montré très indulgent envers les autres tribus juives qui ont rompu le pacte et qui furent épargnées. En effet, les trois tribus furent chacune traitées de façon différente en fonction de leur trahison. Quatrièmement, celui qui a prononcé le jugement sur les juifs de Bani Qoraytha (c.-à-d. S’ad Ibn Muâdh) fut un homme qu’ils ont exigé eux-mêmes et imposé en tant que juge. Avant que S’ad prononce son jugement, les deux parties promirent d’accepter et d’exécuter sa sentence.
Finalement, Michel Onfray parle d’un « crime terrible ». Pourquoi s’agirait-il d’un crime et non pas d’une peine ? N’y a-t-il pas de pays occidentaux qui appliquent la peine capitale pour trahison? Aux Etats Unis, l’article 2381 du Code pénal américain (18 US Code 2381) stipule que « quiconque, devant allégeance aux États-Unis, mène une guerre contre le pays ou s’associe à ses ennemis, en leur fournissant une aide et un soutien aux États-Unis ou ailleurs, est coupable de trahison et est passible de la peine de mort, ou d’une peine de prison supérieure à cinq ans. »
En effet, aux « pays des libertés », les personnes jugées coupables de trahison peuvent encourir la peine de mort. Lorsque ce sont des non-musulmans qui infligent la peine capitale pour trahison, il s’agit d’une loi tout à fait normale et justifiable du fait qu’elle défend l’intérêt et la sécurité d’un pays occidental. Or, quand les musulmans ont des lois pénales identiques pour le même type de trahison, ça devient un « crime ».
Les personnes jugées coupables de trahison aux États-Unis peuvent encourir la peine de mort d’après l’article 2381 du Code pénal américaine.
Michel Onfray ne parle pas non seulement que de crime, mais d’un crime qui serait « terrible ». Mais pourquoi terrible? Parce les condamnés ont été décapités et qu’en France la peine de mort n’est (déjà !) plus une « valeur universelle » depuis 1981, année où la guillotine fut remisée ? Rappelons qu’Onfray est athée et qu’il ne possède donc aucun code moral objectif. Par conséquent, il n’est nullement en position de déterminer de façon objective ce qui est moralement acceptable ou non. Pour lui, les conceptions du bien et du mal ne sont que subjectives et changent avec le temps [8].
Revenons à la question éthique liée à la peine de mort par décapitation. Dans plusieurs états américains, on exécute toujours les gens par chaise électrique. La personne qui est mise à mort pour trahison subira une torture qui peut durer jusqu’à un quart d’heure. Elle endure une asphyxie dans lequel le système nerveux est souvent paralysé. Le corps est mutilé et souffre d’une rigidité violente alors qu’une vapeur se dégage du corps dû à l’ébullition du sang. La température du corps devient si intense qu’il prend parfois feu. Durant l’électrocution, des morceaux de chair tombent à terre, la cervelle entre en ébullition et les yeux sortent de la tête pour se fixer sur les joues du condamné. Vive l’humanité !
En Islam, la personne condamnée à mort pour trahison reçoit un coup d’épée qui dure moins d’une seconde et qui n’engendre aucune souffrance. Bien entendu, ce type d’exécution reste un « crime terrible » car c’est la manière dont les musulmans appliquent la peine capitale.
La décapitation des condamnés à mort n’est plus une « valeur universelle » depuis 1981, année où la peine de mort fut abolie et la guillotine remisée.
Contrairement à l’allégation de Michel Onfray, jamais un prisonnier n’a été égorgé par le Prophète (‘aleyhi assalam) ou ses compagnons. En Islam, le statut des prisonniers est clairement défini par le Coran et la tradition prophétique. Les autorités musulmanes se doivent de traiter leurs prisonniers avec équité et bonté. Le Coran incite d’ailleurs à nourrir les prisonniers. « Ils accomplissent leurs vœux et ils redoutent un jour dont le mal s'étendra partout et offrent la nourriture, malgré son amour, au pauvre, à l'orphelin et au prisonnier » [7-8/76]
Dans la Sounna, nous trouvons le hadith où le Prophète (‘aleyhi assalam) dit: « Souhaitez le bien des prisonniers » [9], un ordre du Messager qui fut appliqué par les compagnons qui nourrissaient leurs prisonniers d’une nourriture qui fut meilleure que la leur [10].
Tous ces éléments sont présents dans les textes religieux que Michel Onfray est censé avoir lus. Or, il n’a trouvé que le passage dans lequel les membres de la tribu juive de Bani Qoraytha encourent une peine capitale…
Extrait de “L’Islam, Le Coran et Michel Onfray”, à télécharger ici
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[1] Pour plus à ce sujet, lisez « Le peuple palestinien, victime collatérale de la Shoah ? »
[2] La trahison ainsi que le non-respect de ce type de pacte est passible de la peine de mort.
[3] Sahîh Muslim (4786). Le fait que le Prophète (‘aleyhi assalam) s’innocente d’eux, indique qu’il s’agit d’un péché majeur.
[4] La Jiziya ne fut imposée qu’en l’an 9 de l’hégire.
[5] Abdoullah Ibn Oubay Ibn Salûl fut un des dirigeants d’al-Ghazradj et fut considéré comme la tête des hypocrites (al-Munâfiqun).
[6] Les polythéistes choisirent S’ad Ibn Muâdh, car il fut un de leurs alliés à l’époque préislamique.
[7] Les historiens diffèrent sur leur nombre, certains mentionnent qu’ils furent entre 600 et 700 hommes.
[8] L’homme est influencé par son entourage ainsi que par l’époque et le lieu où il grandit. Il percevra comme bien ou mal ce que ses parents et sa société lui inculqueront comme tel. Chaque fois que de nouvelles idées et opinions surgissent, les mœurs et les valeurs suivront et s’adapteront. Ce qui est mal aujourd'hui peut être bien demain et vice-versa. Michel Onfray défend aujourd'hui l’homosexualité, chose qu’il n’aurait sans doute jamais faite dans une autre partie du monde ou à une autre époque.
[9] Rapporté par al-Tabarâni dans « al-M’ujam al-Kabîr » (977) et jugé bon (hasan) par al-Haythami et al-Suyûti.
[10] À Badr, les musulmans nourrissaient les prisonniers de pain alors qu’eux-mêmes se contentèrent de dattes.